Proposition de loi tendant à lutter activement contre les déserts médicaux :
- Texte n° 675 (2020-2021) de M. Stéphane SAUTAREL et plusieurs de ses collègues, déposé au Sénat le 8 juin 2021
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Les déserts médicaux ne cessent de s’étendre en France et touchent en premier lieu le monde rural. Dans ces territoires, les patients doivent parcourir plus d’une dizaine, voire d’une centaine, de kilomètres avant de trouver un médecin généraliste et les délais d’attente pour un rendez-vous avec un spécialiste peuvent atteindre plusieurs mois, voire plus d’une année.
Pourtant, l’épidémie de Covid-19 a conduit au départ de nombreux citadins vers ces zones rurales. Les Français aspirent désormais à des transformations profondes des modes de vie sur fond de sentiment d’état d’urgence sociale et économique. Cet exode temporaire pourrait annoncer les prémisses d’un exode urbain plus massif. Dans ce contexte particulier, la question de l’accès aux soins et aux services pour tous et sur tout le territoire se pose d’autant plus.
Selon une étude de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), direction de l’administration centrale des ministères sanitaires et sociaux, publiée le 14 février 2020, une part croissante de la population vit d’ores et déjà dans des zones en sous-densité médicale. En 2018, près de 3,8 millions de Français vivaient dans ces zones sous-dotées en médecins généralistes (soit 5,7 % de la population), contre 2,5 millions (3,8 % de la population) quatre ans plus tôt. Ce sont donc près de 1,3 million de Français supplémentaires qui ont rencontré des difficultés d’accès aux soins au cours de cette période.
Ces citoyens vivent une véritable rupture d’égalité, exclus de fait du principe d’universalité de la Sécurité sociale. Le droit à la santé est pourtant un principe à valeur constitutionnelle et l’article introductif du code de la santé publique mentionne quant à lui la protection de la santé comme droit fondamental et garantit l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé « par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne ».
Malgré cela, l’écart ne cesse de croître entre le droit et la réalité avec une progression des inégalités territoriales d’accès aux soins. Face à ce processus de dégradation de l’accès aux soins désormais connu par tous, et auquel la télémédecine ne peut être une réponse que partielle et complémentaire, les gouvernements successifs ont tous privilégié la voie incitative, hormis une brève expérience entre 2009 et 2011 1(*)[1], qui n’a pas permis de mettre en oeuvre les mesures adéquates et abouti aux mêmes constats d’échec.
En janvier 2021, les maires ruraux de France ont publié une étude soulignant que le nombre de cantons dépourvus de médecins a augmenté de 62 % en l’espace de 7 ans. Le nombre de médecins « toutes catégories » pour 1 000 habitants « est systématiquement inférieur à la campagne par rapport aux territoires hyper-urbains ».
De plus, il est à noter qu’un médecin généraliste sur deux est âgé d’au moins 60 ans, et nos territoires comptent 40 % de nouveaux praticiens de moins qu’en 1970. Les départs à la retraite ont été multipliés par six en dix ans et les projections anticipent une hausse continue jusqu’en 2025.
En novembre 2017, face à cette problématique, la Cour des comptes avait préconisé dans son rapport public thématique « L’avenir de l’Assurance maladie, assurer l’efficience des dépenses, responsabiliser les acteurs »2(*)[2] de réguler fortement les installations en soins de ville pour rééquilibrer les effectifs libéraux en fonction des besoins de santé des populations sur le territoire, sans remettre en cause la liberté d’installation, en supprimant le conventionnement automatique avec l’Assurance maladie, celui-ci ne devant intervenir que pour répondre à des besoins de santé identifiés, variables selon les spécialités et les territoires, comme dans d’autres pays.
Cette proposition de loi vise ainsi à ouvrir une nouvelle voie face à cette situation dramatique que rencontrent nos citoyens dans ces territoires sous-dotés en proposant principalement la mise en place d’un conventionnement sélectif, mais aussi diverses mesures facilitatrices complémentaires.