Proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France :
Texte n° 27 (2020-2021) de MM. Patrick CHAIZE, Guillaume CHEVROLLIER, Jean-Michel HOULLEGATTE, Hervé MAUREY et plusieurs de leurs collègues, déposé au Sénat le 12 octobre 2020
Exposé des motifs
Mesdames, Messieurs,
Grande absente du débat public jusqu’à ce jour, la question de l’impact environnemental du numérique se pose aujourd’hui avec la plus grande acuité.
À l’heure où toutes les politiques publiques doivent se donner les moyens d’atteindre les objectifs climatiques fixés par l’Accord de Paris, il est urgent de se pencher sur la pollution engendrée par ce secteur du numérique, dont la croissance explose de manière exponentielle. La consommation des données mobiles 4G augmente en effet (de 30 % d’année en année), tout comme l’équipement en terminaux (93 % des Français possédaient un téléphone mobile en 2017).
La hausse de ces consommations induit tout d’abord une tension sur les ressources. Elle se traduit en effet par l’utilisation d’une quantité croissante de métaux, encore aujourd’hui très peu recyclés. Leur extraction et leur raffinage nécessitent par ailleurs de grandes quantités d’eau et d’énergie.
Par ailleurs, comme le montrent les conclusions des travaux de la mission d’information relative à l’empreinte environnementale du numérique en France, mise en place par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat en décembre 2019, le numérique est une source importante d’émissions de gaz à effet de serre : en 2019, le numérique a émis 15 millions de tonnes équivalent carbone, soit 2 % du total des émissions de la France, induisant un coût collectif d’un milliard d’euros. Elles pointent aussi l’inexorable essor de ce poids, si rien n’est fait pour enrayer cette dynamique : en 2040, le numérique pourrait représenter 7 % des émissions de gaz à effet de serre de la France pour un coût collectif de 12 milliards d’euros, si aucune politique publique de sobriété numérique n’est déployée.
Principaux responsables de cette empreinte, les terminaux numériques1(*) engendrent 81 % des impacts environnementaux du secteur en France, une proportion bien plus élevée que la moyenne mondiale. La fabrication de ces appareils représente en outre 70 % de l’empreinte carbone totale du numérique français. La limitation de l’importation et du renouvellement des terminaux est ainsi le principal levier d’action qui permettra d’atténuer l’empreinte carbone du secteur. Les centres informatiques et les réseaux, respectivement responsables de 14 % et de 5 % des émissions du secteur doivent également voir leur coût environnemental maîtrisé.
Si le numérique permet des gains environnementaux indéniables, comme par exemple dans le domaine du logement avec le développement des bâtiments intelligents, il est néanmoins indispensable que ces gains ne soient pas annulés par ses impacts directs et quantifiables en termes d’émissions de gaz à effet de serre, d’utilisation des ressources abiotiques, de consommation d’énergie et d’utilisation d’eau douce.
Or, ces impacts constituent encore aujourd’hui un « impensé », un angle mort de nos politiques publiques. Les utilisateurs du numérique – particuliers, entreprises, administrations – ne sont pas assez sensibilisés à leur impact sur l’environnement et les politiques numériques mises en oeuvre n’adoptent encore que trop timidement ce regard, et ne font pas l’objet d’une évaluation systématique à l’aune de nos objectifs climatiques.
L’enjeu climatique se double en outre d’un enjeu économique : en passant du tout-jetable – alimenté par des imports qui grèvent la balance commerciale du pays – à un modèle circulaire – s’appuyant sur un écosystème industriel capable de proposer des terminaux reconditionnés et d’offrir des solutions de réparation – les politiques publiques peuvent favoriser la création durable d’emplois non délocalisables, et implantés dans les territoires.
La présente proposition de loi reprend des propositions du rapport d’information « Pour une transition numérique écologique »2(*) de la mission d’information relative à l’empreinte environnementale du numérique3(*), adopté par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable le 24 juin 2020. Cette mission était présidée par Patrick CHAIZE et rapportée par Guillaume CHEVROLLIER et Jean-Michel HOULLEGATTE.
Ce rapport d’information formule 25 propositions, structurées en 4 volets visant à faire prendre conscience aux utilisateurs du numérique de leur impact environnemental, limiter le renouvellement des terminaux, faire émerger des usages écologiquement vertueux et promouvoir des centres de données et des réseaux moins énergivores.
Dès lors, la présente proposition de loi vise à orienter le comportement de tous les acteurs du numérique, qu’il s’agisse des consommateurs, des professionnels du secteur ou encore des acteurs publics, afin de garantir le développement en France d’un numérique sobre, responsable et écologiquement vertueux.